mardi 23 novembre 2010

Kiss The Past Hello (MAMVP) // Larry Clark

Le papy terrible de la contre-culture américaine débarque donc au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, jusqu’au 2 janvier 2011, pour une première grande rétrospective de son travail photographique.

L’exposition a fait l’objet d’une fameuse interdiction aux moins de 18 ans, déclenchant une polémique un peu ridicule à mon goût.
Certes, une interdiction aux moins de 16 ans aurait sans doute suffit ; de là à parler d’une époque liberticide à l’heure d’Internet et du porno chic…
Au moins, la polémique a-t-elle des vertus publicitaires…
 
L’exposition commence par une séquence de photographies kitsch scénarisant des animaux de compagnie et des poupons dans des postures rigolotes et inattendues.
 
Il s’agit du travail de la mère de l’artiste, Frances Clark, qui tenait un studio de photographie dans l’Amérique profonde et pour laquelle le jeune Larry Clark jouait le rôle d’assistant.
 
Ces images d’une Amérique bienheureuse idéalisée contrastent violemment avec la suite du propos de Larry Clark.
 
On pense au Blue Velvet de David Lynch qui illustrait une Amérique perverse et maléfique par delà les innocentes palissades des maisons de banlieue de la middle class.

La rétrospective suit un principe chronologique.
 
La série Tulsa, du nom de la ville natale de Clark, montre une série de portraits en noir et blanc de jeunes gens de l’entourage de Clark, photographiés dans les années 60 et 70.
 
Aux enfants joufflus ont succédé des adolescents junkie.
 
On retrouve dans ces photographies une volonté d’esthétisation romantique dans l’érotisation des corps (plus particulièrement masculins), les poses rebelles ou pensives des modèles, l’utilisation de la lumière.



En même temps, Clark ne nie pas les côtés sordides de cette vie marginale avec cette photo d’une jeune femme enceinte, s’administrant un shoot d’héroïne - sans aucun doute l’image la plus choquante de l’exposition- et presque immédiatement suivie de la photo d’enterrement d’un nourrisson dans son cercueil.



Les scènes de sexe sont déjà présentes mais de façon moins obsessionnelle que dans la suite.
La salle suivante expose la série « Teenage Lust », du nom du second livre publié par le photographe en 1983.

Larry Clark y expose des photographies de jeunes drogués et prostitués rencontrés à New York autour de la 42e rue.
L’ensemble est franchement glauque.
 



Clark affirme ici sa doctrine : « Montrer la réalité telle qu’elle est sans jugement ni mise en scène ».
Cette affirmation est formellement suivie d’effet, le rendu est nettement moins esthétisé que dans la série précédente.
Mais l’obsession sexuelle de du photographe, qui multiplie les images de nudité explicite ou de poses provocantes, n’est qu’un reflet de la réalité personnelle de Larry Clark.
L’artiste est dans une quête incessante de retour vers une adolescence qu’il affirme avoir ratée et qu’il cherche à revivre auprès de ses jeunes modèles.

Intéressante contradiction que ces images qui disent le désir de leur auteur de rejouer une jeunesse manquée mais qui n’illustrent qu’un univers glauque et désenchanté, bien peu fantasmatique.

Comme si Larry Clark démontrait inconsciemment la vacuité d’une quête qui sous-tend toute son œuvre ?

La salle montre également l'installation Punk Picasso (2003), composée de portraits en couleurs associés à des stickers illustrant l'univers et les obsessions des ados américains.






Le travail le plus intéressant de l’exposition se trouve sur le mur d’en face.
On peut y voir une grande fresque de 1992, composée de multiples plans en noir et blanc d’un jeune éphèbe mimant des poses érotiques ou suicidaires.


Un travail qui peut évoquer les galeries pornographiques d’Internet et annonce, par la répétition d'images quasi identiques, le virage cinématographique de celui qui réalisera prochainement Kids en 1995.
La fresque rappelle d'ailleurs une scène d'un autre film de Larry Clark, Ken Park (2003), où un adolescent se masturbait par auto asphyxie.
Ken Park est un film intéressant où Larry Clark dressait le portrait d'adolescents de la classe moyenne américaine trompant leur ennui dans le sexe et la violence et dénonçant une société où les adultes abusent leurs enfants (les personnages de Ken Park "détourné" par la mère de sa petite amie, de Claude agressé par son père ou de Peaches forcé d'épouser son propre père, fanatique religieux, dans un simulacre de mariage...).

Une accusation qui résonne dans un pays qui compte, sous des apparences puritaines, 100.000 enfants prostitués (Unicef : Carol Bellamy (dir.), The State of the World's Children, Unicef, Oxford University Press, New York, 1997, 109 p).

La dernière salle montre le travail le plus récent et le plus apaisé de Larry Clark, notamment au travers de portraits de jeunes skaters américains ou de l’acteur latino Jonathan Velasquez, dernière muse du photographe et rôle principal du film Wassup Rockers (2007).
On est content d'y trouver des adolescents souriants et pas trop dépravés mais l'ensemble se révèle assez banal et dépourvu d'intérêt.






 

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